À l'échelle mondiale, les mesures contre la propagation du coronavirus ont entraîné une forte augmentation de la violence domestique à l'égard des femmes et des filles. Cela est dû en partie au fait que les filles ne vont souvent plus à l'école, même pas maintenant que les écoles ont rouvert. Surtout dans les zones rurales, les parents gardent les filles à la maison pour aider dans les champs. Les femmes sont enfermées chez elles avec leur mari dans des circonstances stressantes. Elles ne peuvent pas accéder à leur réseau social normal. L’absence d’emploi signifie souvent pas de revenu pour les plus vulnérables. Cela rend encore plus difficile la possibilité d’échapper à la situation familiale.
Même sans la crise corona, la violence contre les femmes est un problème grave et répandu. Outre les dommages physiques, il y a souvent des conséquences socio-psychologiques importantes. Ces dommages ont également un impact négatif sur la société au sens large et sur l'économie. Par exemple au Bénin, les jeunes filles qui tombent enceintes ne finissent pas l'école. Cela signifie qu'elles prennent un mauvais départ sur le marché du travail.
Il y a de fortes chances qu'elles vivent dans la pauvreté pour le reste de leurs vies. Les survivantes de violence ou d'intimidation ont de moins bonnes performances au travail et sont plus susceptibles d'être absentes. Presque chacun au Bénin connaît des exemples de cas de violence sexuelles de près. Cependant, les problèmes sont cachés. Les femmes pensent trop souvent que cela fait partie de la vie et n'osent pas en parler.
Un journaliste de télévision brise le tabou
Au milieu de la crise de COVID, Angéla Kpeidja, journaliste bien connue de la télévision béninoise, a montré un bel exemple de courage de dénoncer publiquement les pratiques de harcèlement sexuelles qui ont cours au sein de l’office public ORTB. Elle accuse un des responsables d’avoir toléré le harcèlement et les abus sexuels au sein du comité de rédaction pendant des années. Son message est devenu viral sur Facebook, tout comme lors du mouvement #MeToo aux États-Unis. Ce n'est pas sans raison qu'Angéla a choisi de poster son message le 1er mai, jour de travail, qu'il est temps de briser le silence autour de ces pratiques. Depuis lors, plusieurs femmes au Bénin lui ont emboîté le pas et ont brisé le silence entourant ces violences. Les femmes sont souvent qualifiées de "victimes", mais en réalité ce mot est une indication d'impuissance. C'est précisément mal placé dans ce contexte. Il vaut mieux parler de survivantes.
Il faut du courage pour se montrer survivante de harcèlement et de violence.
Beaucoup de courage.
Souvent, les femmes n'osent pas poursuivre les auteurs. Après tout, comme dans le cas d'Angéla Kpeidja, l'agresseur est souvent employeur et manager et il y a donc un risque élevé de licenciement pour les survivantes. En plus, les chances que l'agresseur soit condamné après un long procès sont minces.
Patrice Talon, président du Bénin, prend très au sérieux les charges d'Angéla et de ses collègues. Il a déclaré qu'il s'engagera personnellement dans la lutte contre une culture dans laquelle la violence et l'intimidation contre les femmes sont considérées comme normales.
La confédération syndicale COSI Bénin s'est également engagée pendant des années à briser ce tabou. Ayicha Amoussa, présidente du comité des femmes de la COSI du Bénin, l'appelle "une tumeur silencieuse et proliférante: c'est un problème caché qui est normalisé et infecte de plus en plus les lieux de travail". Dans son travail d'obstétricienne, elle s'occupe des femmes presque tous les jours.
Importance de la législation
Depuis des années, le syndicat béninois COSI est très actif dans la lutte contre les violences faites aux femmes, au travail comme à l'extérieur. Le syndicat remet également en question la loi de 2017 sur l’embauche au Bénin. La grande flexibilité du marché du travail a considérablement aggravé la position de négociation des travailleurs vis-à-vis des employeurs. En conséquence, les femmes sont devenues encore plus dépendantes de leur employeur pour trouver et conserver un emploi.
Les services sexuels forcés en échange d'un contrat
ne font pas exception.
Outre une bonne législation, la sensibilisation est également cruciale pour lutter contre cette violence, souligne la COSI Bénin. L'été dernier, une nouvelle convention internationale contre la violence basée sur le genre en milieu de travail a été adoptée par les gouvernements, les organisations d'employeurs et les syndicats du monde entier: la convention 190 de l'OIT. Cette convention permet de criminaliser le harcèlement et la violence au travail.
Mais ce n'est que lorsque les pays auront ratifié cette convention que les travailleurs pourront réellement l'invoquer. Le syndicat COSI Bénin appelle donc le président Talon du Bénin à accélérer la ratification de ladite convention.
Avec le soutien de CNV Internationaal, le syndicat COSI Bénin s'est engagé à mettre fin à la violence à l'égard des femmes. Les femmes survivantes peuvent, si elles le souhaitent dans la langue locale, appeler la ligne d'assistance ou se présenter au service d'assistance juridique. Le français est la langue officielle ainsi que la langue du pouvoir judiciaire, ce qui constitue un obstacle supplémentaire pour de nombreuses femmes.
Le taux d'alphabétisation est
52,2% chez les hommes adultes et
seulement 23,6% chez les femmes.
Si nécessaire, le syndicat aide les femmes dans les procédures judiciaires. Par le biais des spots radio, le syndicat essaie d'aborder ce sujet tabou. Au niveau national, l'association fait activement pression pour de meilleures lois et réglementations. Pendant la crise COVID, CNV Internationaal travaille avec COSI Bénin pour améliorer l'accessibilité numérique aux services syndicaux dans ce domaine. CNV Internationaal soutient également la ligne téléphonique gratuite du syndicat, ce qui est un service important pour les femmes à la recherche d'aide. CNV Internationaal fait de même avec son partenaire syndical CNT au Niger.
En juin 2019, une nouvelle norme internationale contre la violence au travail (convention 190 de l'OIT) a marqué une étape importante pour l'élimination de la violence basée sur le genre dans le monde du travail.
CNV Internationaal travaille avec des partenaires syndicaux pour ratifier cette convention dans les pays où elle opère.
Date de publication 03 07 2020